Économie

Tunisie : L'association RDD lutte contre le gaspillage alimentaire

 Le gaspillage alimentaire est un véritable problème en Tunisie.

Le pain avec un taux de gaspillage de 15,7% de sa production totale, les produits céréaliers (10,2%), les légumes (6,5%), les fruits (4,2%), les produits laitiers (2,3%) et les viandes (1,9%) sont les principaux aliments gaspillés par les ménages tunisiens, selon l’Institut national de la consommation (INC). « Le gaspillage de produits alimentaires devient de plus en plus significatif. Il contribue à réduire la disponibilité des aliments, à accélérer la dégradation de l'environnement et à accroître le recours aux importations alimentaires dont le pays est déjà fortement tributaire » a déclaré M. Samir Meddeb, président de l’association Racines et Développement Durable (RDD). « Notre association présente aujourd’hui un document de base et d’une grande importance qui explique l’état des lieux du gaspillage alimentaire en Tunisie » a-t-il ajouté.
Cette étude s’insère dans le cadre d’une collaboration entre le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), et l’association de droit tunisien Racines et Développement Durable (RDD). Elle s'inscrit dans les activités du programme Switch Med, financé par la Commission européenne, mis en œuvre par le PNUE et animé par le Ministère de l’environnement sur le plan national. Le programme SwitchMed a pour but d’accompagner huit pays de la rive sud de la Méditerranée pour développer et mettre en œuvre des politiques afin d’adopter des modes de consommation et de production durables (MCPD) et une économie circulaire.
PERTES FINANCIERES IMPORTANTES POUR LES MENAGES
Que ce soit pour une entreprise ou pour un particulier, le gaspillage constitue une perte financière importante, d’autant plus que l’alimentation est le premier poste des dépenses d’un ménage tunisien, avec un taux de 30,1%. « En se référant au coût du gaspillage alimentaire estimé en 2016 par l’INC à 17 dinars/personne/mois, on peut dire que le gaspillage alimentaire représente en moyenne environ 12 % des dépenses alimentaires et 3,6 % du total des dépenses effectuées par le tunisien » a déclaré M. Ridha Abbes, expert et coauteur de l’étude. « Pour une famille tunisienne composée de cinq personnes, cela équivaut à une perte financière d’environ 85 dinars par mois et qui atteint jusqu’à 340 dinars durant le mois de Ramadan» a-t-il souligné. 
PERTES FINANCIERES IMPORTANTES POUR L’ETAT 
Le gaspillage pèse lourd sur le budget de l’état. « Une grande partie des produits alimentaires gaspillés est subventionnée et souvent payée en devises en tant que produits d’importation » a rappelé M. Ali Abaab, expert et coauteur de l’étude, précisant qu’environ 22 % des subventions allouées à la farine pour la fabrication du pain sont gaspillés. « Le pain gaspillé coûte environ 100 millions de dinars à la collectivité nationale soit environ 22,2 % des 450 millions de dinars alloués par le budget de l’état pour subventionner la farine du pain, cela a été documenté par l’INC en 2017 » a soutenu M. Abaab.
UNE SOURCE DE POLLUTION SIGNIFICATIVE
Sur le plan environnemental, le gaspillage affecte les empreintes écologique et carbone à travers des consommations excessives des ressources naturelles et la dégradation des écosystèmes. Il contribue aux émissions des gaz à effet de serre, au dérèglement des cycles biogéochimiques et des écosystèmes, à la consommation excessive des ressources en eau, à l’érosion des sols et à la perte de la biodiversité. Les aliments gaspillés sont en majorité jetés en tant que déchets, une source de pollution significative, notamment avec les modes actuels de la gestion des déchets, caractérisés par des faibles taux de couverture de la collecte et le recours quasi automatique à la mise en décharge.
L’URGENCE DES SOLUTIONS
« Mobiliser le plus grand nombre d’acteurs concernés est la première chose à faire, et ce pour arriver à mesurer les pertes et définir un plan national de lutte contre toutes les formes de gaspillage pré et postproduction et mettre en œuvre au quotidien les actions permettant de réduire les pertes et gaspillages » ont déclaré les auteurs de l’étude, ajoutant que « la lutte contre le gaspillage alimentaire peut suivre différentes approches. Selon une approche individuelle, chaque citoyen et acteur devra identifier les sources de son gaspillage pour les éviter. Selon une approche sectorielle, chaque secteur, par exemple les hôtels et restaurants, les espaces commerciaux et de distribution, peuvent agir directement sur les sources de leur gaspillage. Selon une approche locale ou nationale, les communes et l’état doivent mettre en place les mesures et le cadre réglementaire et incitatif pour la lutte contre le gaspillage alimentaire ». « Il est également possible de raisonner en termes de filière, de manière à ce que chaque maillon ou acteur doit s’engager dans le dialogue avec d’autres maillons et acteurs pour faire évoluer sa filière ou la chaîne alimentaire sur son territoire dans l’objectif de réduire collectivement les pertes et gaspillages » ont précisé les auteurs de l’étude. « Les pistes existent pour aboutir à d’excellents résultats et elles ont démontré leur efficacité dans plusieurs pays » a déclaré M. Samir Meddeb. « Dans un pays où les ressources sont limitées et qui dépend pour sa sécurité alimentaire des importations des denrées alimentaires, la lutte contre le gaspillage est urgente pour lutter contre son impact à tous les niveaux » a-t-il rappelé.