Tribune de Anis Gharbi, Directeur général de Mubawab Tunisie
Chaque rentrée universitaire remet sur la table une problématique récurrente : celle du logement étudiant. En Tunisie, des dizaines de milliers de jeunes quittent leur ville d’origine pour poursuivre leurs études dans les grands pôles universitaires, notamment Tunis, Sfax, Sousse ou encore Monastir. Si les cités universitaires publiques et les foyers privés sous convention offrent une capacité limitée, la réalité est implacable : une grande partie des étudiants se tourne vers le marché locatif privé, souvent plus onéreux.
Mais alors, quels choix s’offrent réellement aux étudiants lorsqu’ils ne trouvent pas de place en résidence universitaire ? Jusqu’où sont-ils prêts à payer pour vivre à proximité de leur faculté ? La localisation, la qualité du logement ou encore la sécurité pèsent-elles plus lourd que le prix ? Et comment la saisonnalité de la demande, plus intense à chaque rentrée, influence-t-elle l’évolution des loyers ?
Ces interrogations traduisent une réalité incontournable : l’accès au logement étudiant n’est pas seulement une question de confort, mais bien un enjeu d’égalité de chances, voire de réussite académique.

Un déséquilibre persistant entre l’offre et la demande
Pour la rentrée universitaire 2025-2026, la Tunisie compte près de 260 000 nouveaux bacheliers intégrant les universités publiques et privées. Au total, le pays accueille plus de 620 000 étudiants toutes filières confondues.
Face à cette demande massive, la capacité d’accueil des cités universitaires gérées par l’Office des Œuvres Universitaires (OOUN) reste limitée à environ 60 000 lits seulement (source : OOUN 2024). Même en incluant les foyers privés sous convention, le déficit reste considérable : moins de 15 % des étudiants bénéficient d’un logement universitaire subventionné.
Conséquence directe : la majorité des étudiants n’a d’autre choix que de se tourner vers la location privée, en colocation, en studio ou dans de petits appartements.
Des loyers de plus en plus difficiles à assumer
Dans les grandes villes universitaires, la pression locative fait grimper les prix. À Tunis, un studio proche des facultés de Montfleury ou El Manar se loue entre 400 et 600 dinars par mois, alors qu’un appartement S+2 partagé par deux ou trois étudiants oscille entre 700 et 1 000 dinars.
La saisonnalité accentue cette tension : entre août et octobre, durant la rentrée universitaire. Pour beaucoup de familles, déjà confrontées à l’inflation et à la hausse du coût de la vie, ce budget représente un effort considérable, voire un obstacle à la poursuite des études supérieures.
Pourquoi les étudiants choisissent-ils la location privée ?
Plusieurs raisons expliquent ce choix contraint mais parfois aussi assumé. Tout d’abord, le manque de places en cités universitaires constitue la première cause du recours à la location privée. Ensuite, la recherche de confort et d’indépendance joue un rôle important, les logements privés offrant plus d’espace et de liberté que les résidences collectives.
La proximité avec les campus et les commodités constitue également un critère déterminant : certains étudiants préfèrent payer un peu plus cher pour éviter de longs trajets quotidiens. Enfin, la sécurité et la qualité des logements motivent parfois les parents à privilégier un logement privé jugé plus sûr et mieux entretenu.
Panorama des loyers étudiants : quelques régions représentatives
Tunis – Montplaisir et Montfleury
À Montplaisir, les loyers mensuels se situent entre 430 et 850 TND pour des appartements de 50 à 100 m². À Montfleury, il est possible de trouver des loyers attractifs allant de 400 à 750 TND, à proximité des universités ESSECT et IPEIT.
Tunis – Sidi Bou Saïd
À Sidi Bou Saïd, quartier emblématique et touristique, les loyers se situent généralement entre 950 et 1 650 TND. Toutefois, des alternatives plus abordables existent avec de petites unités adaptées aux étudiants ou des options en colocation, disponibles entre 300 et 650 TND en colocation. Les universités à proximité incluent l’ENAU, l’IPEST et l’IHEC.
Tunis – Cité El Khadra
Les appartements se louent généralement entre 600 et 1 000 TND par mois pour des superficies de 50 à 90 m², selon la proximité des commodités et l’état du logement. Pour les étudiants ou jeunes actifs privilégiant la colocation, le loyer par chambre varie entre 150 et 300 TND.
Tunis – Cité Olympique
Les loyers débutent autour de 650 TND pour des appartements de petite taille et peuvent atteindre 1 250 TND pour des logements de superficie moyenne ou de meilleur standing. En colocation, le loyer par chambre varie entre 200 et 450 TND, offrant une option pratique et économique. Les universités à proximité incluent l’INSAT (Centre Urbain Nord).
Tunis – El Manar et Omrane Supérieur
À El Manar, quartier résidentiel très recherché par les étudiants et jeunes professionnels, les loyers varient entre 750 et 1 350 TND par mois pour des appartements de 60 à 120 m². En colocation, le loyer par chambre se situe entre 350 et 550 TND, une alternative idéale pour allier confort et budget maîtrisé. À Omrane Supérieur, les loyers se situent généralement entre 500 et 900 TND, selon le standing des logements et leur proximité avec les universités, avec une colocation à 250-400 TND/chambre. Les universités à proximité incluent le Campus El Manar et l’ENIT.
Tunis – Bardo
Les loyers pour un logement étudiant varient entre 500 et 1 200 TND. En colocation, le loyer par chambre se situe entre 250 et 400 TND, une solution idéale pour concilier confort et budget. Les universités à proximité incluent l’ISAMM, les instituts supérieurs de Manouba et l’ISG.
Ariana – Cité El Ghazela et Ariana Essoghra
À Cité El Ghazela, quartier stratégique proche des universités et des pôles d’entreprises, les loyers des appartements varient entre 700 et 1 200 TND pour des superficies allant de 40 à 100 m². En colocation, le loyer par chambre se situe entre 350 et 450 TND, une option prisée par les étudiants. À Ariana Essoghra, les loyers des appartements varient entre 850 et 1 400 TND, avec une colocation de 450 à 550 TND/chambre. Les universités à proximité incluent SupCom, ESPRIT et le Pôle Technologique.
Manouba – Denden, Manouba et Ksar Saïd
À Denden et Manouba, les loyers des appartements oscillent entre 500 et 900 TND selon le type de logement et la localisation, avec une colocation de 200 à 400 TND/chambre. À Ksar Saïd, les loyers varient entre 400 et 750 TND, avec des chambres en colocation de 150 à 350 TND. Les universités à proximité incluent l’INEPS et le Campus Manouba.
Nabeul – Cité El Wafa
À Cité El Wafa, les loyers se situent entre 500 et 800 TND pour des appartements S+1, et entre 750 et 1 200 TND pour des S+2. En colocation, le loyer par chambre varie de 250 à 450 TND. L’université à proximité est la FSEG Nabeul.
La colocation : une solution pratique
La colocation constitue une option pratique et économique pour les étudiants. Le loyer total peut être réparti de différentes manières. Dans une répartition équitable, chaque colocataire paie une part identique du loyer. Dans d’autres cas, la répartition est différenciée : si certains disposent d’une chambre individuelle tandis que d’autres partagent une chambre, la contribution de chacun est ajustée en fonction de l’espace occupé. Par exemple, pour un loyer total de 800 TND, l’étudiant en chambre individuelle paiera environ 340 TND, tandis que ceux partageant une chambre paieront chacun 230 TND. Ce système flexible permet d’adapter la répartition des charges selon les préférences et le confort de chaque étudiant, tout en assurant un budget maîtrisé.
Le marché de la location estudiantine en Tunisie illustre un paradoxe : indispensable pour des milliers d’étudiants, mais l’offre demeure insuffisante. Le défi du logement étudiant s’impose désormais comme une priorité nationale.